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et nous éclatons de rire, comme deux gosses que nous sommes encore. Pourtant, je ressent un peu de mélancolie, à ces vieux souvenirs ; mais Luce, débridée, saute sur un pied, pousse des cris de joie, se mire dans « son » armoire à trois portes…

— Luce, tu ne regrettes pas l’École ?

— L’École ? Quand j’y repense, à table, je redemande du champagne, et je mange des petits fours glacés à m’en rendre malade, pour rattraper le temps perdu et me récompenser. Va, je n’ai pas assez quitté l’École !

Je suis son geste désenchanté vers le paravent à deux feuilles, laque et soie, qui masque à demi une petite table-pupître, banc à dossier, une table comme celle de Montigny, tachée d’encre, où traînent des grammaires, des arithmétiques. J’y cours, et j’ouvre des cahiers remplis de l’écriture sage et puérile de Luce.

— Tes anciens cahiers, Luce ? Pourquoi ?

— Non, pas mes anciens cahiers, malheureusement, mes nouveaux ! Et tu pourras trouver mon grand tablier noir dans la penderie du cabinet de toilette.