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PROMENADE EN HOLLANDE.

naturel, voulant diriger la destinée de Georges et de Guillaume, leur soufflait ces arguments si étrangers à leur habitude de penser. Quoi ! ces mères aimantes et craintives voulaient éloigner leurs fils ! Quoi ! ces femmes ordonnées et casanières comme des piles de linge prêchaient presque à ces imaginations inflammables la dissipation et les aventures !

Pour comprendre à quel point ce langage devait agir sur la tête un instant alourdie de mes deux amis, il faut que vous sachiez que, durant nos études à Leyde, nos plus grands excès dans nos longues veillées d’hiver avaient été une suite de projets indomptés de pérégrinations à travers le monde ; tout en fumant nos longues pipes et en buvant à petits coups la bière noire ou le genièvre, nous voyagions à travers ces contrées du soleil, dont quelques gouttes de sang juif égaré dans nos veines nous avaient infusé l’amour. L’Orient nous appelait, comme jadis les croisés : c’était là-bas qu’était notre patrie, notre terre promise ou plutôt perdue qu’il fallait retrouver ! Et remarquez que ce n’est point là seulement l’aspiration individuelle de quelques jeunes cerveaux échauffés par leurs rêves : en Hollande, cet amour de l’Orient et des contrées lointaines a fait la grandeur de la nation même et son caractère propre. Que serions-nous aujourd’hui, si nous nous étions bornés aux desséchements de nos marais ? un petit peuple