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PROMENADE EN HOLLANDE.

biles un vaisseau et quelques barques hors de service, et dont les mousses vertes envahissaient le chômage. Ces eaux stagnantes étaient entourées de quelques arbres malingres et de masures démantelées, sur le seuil desquelles des enfants jouaient, tandis que quelques vieilles femmes étalaient des nippes mouillées sur les bois ébréchés des contrevents et des portes : tout ici semblait mettre en oubli la symétrie et la propreté hollandaises. Ces femmes étaient presque en haillons, ces enfants étaient mal peignés ; on soupçonnait l’incurie au dedans de ces pauvres maisons : c’était comme un repaire de misère et de pauvreté juives, mais d’un grand effet et d’une harmonie saisissante. Le lieu et les haillons formaient un bel ensemble ; nos misères de la rue Mouffetard n’ont pas cette poésie-là.

En remontant en voiture, je regardai de nouveau à ma montre et je dis au docteur :

« Il est temps de me montrer vos deux héroïnes et de me conter leur histoire.

— Vous êtes précise et brève comme un adage latin, répliqua le docteur. Encore quelques minutes, vous serez satisfaite. »

La voiture roulait toujours à droite sur les bords de la Meuse, bordée d’habitations champêtres dont les fraîches avenues ombragent des eaux stagnantes ou courantes. Nous circulâmes en tout sens parmi ce labyrinthe de villas hollandaises, dont les allées