Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.
215
PROMENADE EN HOLLANDE.

thropie ; on s’imagine, à cette harmonie imitative des méchants propos du monde, qu’on entend siffler autour de soi les serpents de la médisance et de l’envie. Quel génie que celui de Rossini ! quelle profondeur ! quelle diversité ! quelle force calme de dieu grec certain de sa beauté ! Quoique toujours inspiré, il sait être toujours correct, et quoique fécond, toujours nouveau. On serait écrasé par la puissance complète de cette organisation d’artiste, si, en l’espace de huit jours, on pouvait passer sans désemparer de l’audition du Barbier à celle d’Othello, de celle de la Gazza ladra à celle de Sémiramis de Guillaume Tell à Moïse, et de tant d’autres chefs-d’œuvre qui s’emparent de l’âme et de l’esprit et y demeurent à jamais, car ils sont l’expression idéale de toutes les passions et de tous les sentiments.

Rassérénée par la verve pétillante du Barbier, je quittai le théâtre disposée à voir tout en beau dans un pays où les plaisirs de l’esprit et l’admiration remplissaient mes heures. Je disais au docteur Van H…, tandis qu’il me reconduisait à l’hôtel :

« J’aime la Hollande ; elle me semble plus forte et plus sensée que la France. Vous exercez vos passions et vos facultés sans en abuser. Vous êtes un peuple sain, à l’esprit droit, aux mœurs pures ; vous êtes une terre de liberté qui repousse la licence et n’a aucune des plaies de la civilisation. »