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PROMENADE EN HOLLANDE.

soutenue par douze piliers ; sous cette galerie est un grand bassin, au bord duquel les Juifs font leurs ablutions avant d’entrer dans le temple. Le bâtiment de la synagogue, d’une imposable simplicité, s’élève au milieu de ce parvis. Six régents et six régentes président à l’administration du temple ; les soins domestiques sont confiés à plusieurs concierges. La femme de l’un d’eux, une vieille au dos voûté, nous introduit en rechignant dans l’intérieur de la synagogue. Les Juifs répugnent toujours à satisfaire la curiosité des chrétiens à l’endroit de leur culte : cependant, aujourd’hui, tout antagonisme religieux s’est adouci, grâce à l’influence et à la douceur de l’esprit philosophique, qui pénètre partout.

Tandis que nous parcourions la vaste enceinte, elle se repeuplait pour moi des rabbins fanatiques qui anathématisèrent un jour le tranquille et studieux Spinosa, et le chassèrent du temple. Spinosa avait commenté, dans la solitude, la Bible et le Talmud, et avait gardé pour lui les convictions puisées dans ses études. Son maître, Morteira, un rabbin modéré, s’imagina que la modestie seule empêchait son élève de publier son opinion. Il le manda à la synagogue devant l’assemblée ; mais alors Spinosa oublia qu’il était Juif, pour se ressouvenir qu’il était philosophe.

Il exprima ses doutes avec calme, mais avec fermeté. Aussitôt il fut voué à la haine des rabbins, et