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PROMENADE EN HOLLANDE

pas. Je te dois la dernière joie de ma vie, une des plus vives ; tu seras mon gendre ; il faudra bien qu’elle cède ! »

Mais ce fut lui, le bon vieillard, qui céda tout à coup à la mort. Déjà à moitié détruit par la perte de sa femme, il eut une joie et un retour à la vie trop vifs en retrouvant sa chère Cythérée ; il en mourut.

Le lendemain de sa mort, Raynold, comprenant bien qu’il n’avait plus de recours, que toute espérance était vaine et que Sulpicia serait inflexible, se précipita dans le Rhin près de la Porte-Blanche.

Un an après, l’étrange fille épousait Hermans.

J’assistai à son mariage ; j’osai lui parler de Raynold et lui faire quelques reproches.

« Croyez-vous, me dit-elle simplement, que si j’avais perdu un œil il aurait voulu de moi ? »

Je n’osai lui répondre : peut-être avait-elle raison. À force d’égoïstes injustices et d’abandons amoncelés par nous depuis des siècles, nous avons fini par apprendre aux femmes à réfléchir et à pratiquer la loi du talion ; la crainte d’être dupe de son cœur fait qu’on dessèche la vie.


« Vous desséchez ainsi un lac dans vos contrées, répondis-je ; mais, pour poursuivre cette comparaison, ce desséchement qui supprime l’amour met à sa place une fertilité tranquille, comme dans ces belles contrées qui succèdent à vos lacs ; n’avez-