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PROMENADE EN HOLLANDE.

à Paris, dans ce que vous appelez le faubourg Saint-Germain ; elle excellait à façonner une jeune fille aux élégances du monde, à l’art de la toilette, à la science de la coquetterie : entre ses mains, une femme devenait une de ces brillantes inutilités de la vie, qui plaisent comme un beau meuble, un joyau rare ou un tableau de prix.

Sous cette direction sans contrôle, la petite Sulpicia avait grandi en beauté, en esprit pétulant et impliable. Son institutrice était pour elle une jeune mère complaisante et rieuse, une compagne, une amie intime ; tandis que sa vieille mère, comme elle appelait Mme Van Dolfius, lui était presque étrangère.

Chaque soir, à leur coucher, l’institutrice et l’élève combinaient ensemble les parties de plaisir, les toilettes, les promenades et les emplettes pour le lendemain. Nos deux vieux époux collectionneurs n’y mettaient jamais obstacle. L’institutrice avait plus de trente ans ; elle était pieuse et réservée, disait à ses amis Mme Van Dolfius, qui l’en croyait sur parole ; elle pouvait donc en toute sécurité lui confier sa fille. C’est elle qui accompagnait Sulpicia chaque dimanche au Temple, elle qui la conduisait le soir dans des familles amies, chez lesquelles tour à tour se réunissaient les jeunes filles de l’aristocratie de Leyde ; parfois même elles allaient ensemble au spectacle ou dans les concerts publics : toutes les deux