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PROMENADE EN HOLLANDE.

la blessure éphémère ; pour eux peut-être avait-il suffi d’un kalioum indien fumé au soleil et emportant dans sa blanche vapeur la sombre apparition du cercueil de leurs mères.

Je ne les juge point, et me reconnais indigne de les condamner. Que serais-je devenu moi-même, si je les avais suivis dans ces régions énervantes où l’individu doit naturellement subir l’amollissement qui gagne les nations ? Les fortes races, les races dévouées et militantes, ne viendront jamais de l’Orient. Ils ont le réel, ces fils du soleil, et ils s’étonnent de nos aspirations incessantes vers un idéal douloureux.

Je cachai toujours à Rosée et à Marguerite comment se passait la vie de leurs fiancés. Elles auraient crié aux mensonges, aux calomnies, ou plutôt elles n’auraient point compris. Ils les entretenaient eux-mêmes dans leur ignorance. Par un raffinement propre à l’esprit des voluptueux, ils ne cessaient point de leur écrire des lettres courtes, mais tendres, d’où toujours l’espérance surgissait comme une étoile lointaine qui se rapprocherait enfin.

Vous devez comprendre qu’il m’est impossible de vous décrire jour par jour, ou seulement année par année, comment les deux pauvres filles trompèrent ces quinze ans d’absence. En visitant leur maison, vous avez vu avec quelle patiente tendresse elles les avaient remplies de tout ce qui leur rappelait les