Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
PROMENADE EN HOLLANDE.

pleine nature, au milieu de l’exubérance des couleurs et des parfums, de la sublimité du firmament, de la grandeur des paysages, de la beauté des animaux et de la fascination des femmes ? Que ne pouvais-je les suivre, à travers Delhi, dans leurs palanquins portés par des serviteurs indous, ou bien encore sur leurs éléphants, parmi les solitudes de l’Himalaya ? Je comprendrais alors la vie dans sa force et son épanouissement, et, quand la vieillesse arrive, la volupté de mourir au soleil, sur le bord de quelque grand fleuve, et non point devant un âtre au feu noir, en regardant un canal aux eaux vertes.

Je devinai que mes paroles de tristesse étaient tombées sur un endurcissement tranquille et satisfait, qui désormais ne saurait être ébranlé et amolli que par l’altération de la santé, l’épuisement de la fortune, ou l’isolement au milieu d’un désastre ; le choc enfin que produit sur l’égoïsme la terreur de la souffrance et du dénûment.

Sans doute ils avaient dû recevoir quelque commotion douloureuse de la mort de leurs mères ; sans doute ils en avaient tressailli, ne fût-ce que durant une heure, comme l’hippopotame, frappé par quelque balle qui pénètre les chairs sans atteindre jusqu’aux organes, tressaille et s’agite dans les eaux bourbeuses qu’il ensanglante un instant ; mais il suffit d’un peu de vase pour recouvrir et cicatriser