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PROMENADE EN HOLLANDE.

mais comme un ami grave, que le travail, la vue des douleurs et l’expérience ont mûri. Je tentai d’éveiller en eux ce sens moral qui nous rend heureux du bonheur que nous donnons, des larmes que nous essuyons, de la peine imposée à nous-même et d’où ressort la félicité d’autrui ; puis, craignant que cette vibration ne fût morte dans leur cœur, je leur parlais du pays, des souvenirs de l’enfance, de la satisfaction de se faire un nom et de mourir estimé sur la terre où l’on est né ; puis enfin, redoutant encore en ceci leur scepticisme, j’en arrivais à parler du déclin, de la vieillesse, de la mort, de toutes ces ombres funèbres répandues sur la fin de la vie, et qui ne sont éclairées que par l’amour et le dévouement de ceux qui nous suivent jusqu’au bout.

Ma lettre ne reçut qu’une réponse moqueuse et narquoise, telle qu’un écolier robuste et réjoui l’eût faite à un pédagogue blême et chagrin. Pour eux, j’étais alangui et malade, malade du mal d’une civilisation affairée, malade du mal de l’Europe, malade du mal chrétien et d’une fausse morale qui cherche la satisfaction de l’orgueil dans l’immolation de soi-même. Ma lettre leur faisait froid et leur semblait avoir été écrite sur quelque banquise du Groënland. Que n’allais-je plutôt les retrouver, partager et comprendre la belle et savoureuse vie qu’ils menaient en plein soleil, en