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PROMENADE EN HOLLANDE.

mais plus rien de cette gaieté intérieure qui rayonnait de l’âme au visage et qui doublait leur beauté. Van Hopper, n’entendant plus autour de lui ni chant ni rire joyeux, comprenait qu’on souffrait, quoique jamais une plainte ne s’échappât des deux pauvres âmes. Ce vieillard se sentait dans une atmosphère enfiévrée où il ne respirait plus. Je le trouvai bouffi et jaune, et je redoutai pour lui une attaque d’apoplexie.

Cependant nos deux voyageurs avaient écrit, en route, une fois, puis une seconde dès leur arrivée. Leurs lettres ne pouvaient renfermer aucun détail ni parler de retour : elles n’apportaient donc pas l’espérance où se seraient ravivés tous ces cœurs blessés.

Lorsque j’avais passé quelques heures dans leur funèbre compagnie et que je me retrouvais dans la maison de mon père et de ma mère, en voyant le bonheur que j’y répandais par ma seule présence, je sentais une délectable satisfaction d’avoir résisté aux entraînements de ma fantaisie. Ce que les glorificateurs du moi humain appellent les aspirations impérieuses de l’intelligence et de l’imagination vaut-il bien la peine de faire saigner ces cœurs aimants, et de perdre ces affections sacrées que nous ne remplacerons plus dans la vie ? L’esprit s’agrandit-il en s’exerçant toujours au dehors ? n’a-t-il pas en lui-même sa grandeur et son étendue ? La passion