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PROMENADE EN HOLLANDE.

taient anéanties : elles arrivèrent à Rotterdam sans avoir proféré une parole.

Le lendemain, Rosée fut prise d’une fièvre qui menaça sa vie. Marguerite la soigna avec cette ardeur de dévouement qu’ont les femmes, et elle puisa dans cette anxiété comme un oubli de sa propre douleur. Van Hopper, qui avait été toute sa vie gai, bruyant, affairé, eut un brusque changement d’humeur, fatal à la vieillesse, en voyant souffrir ses enfants ; il devint taciturne. Parfois il se révoltait à l’aspect du deuil qui avait envahi sa maison, et, quand Rosée fut convalescente, il s’écriait tout à coup au milieu des repas silencieux : « Vous tuez votre père par votre tristesse ! Un père vaut mieux que tous les maris : allons, enfants, rions un peu comme autrefois… »

Tout ce qu’elles pouvaient faire avec le plus grand effort, c’était de se montrer résignées, attentives et douces. Elles se vouèrent activement aux soins de la maison et commencèrent à surveiller les embellissements de l’habitation du Plantage. Ces occupations les ravivèrent un peu.

La première fois que je revis les deux mères, depuis le départ de mes amis, je les trouvai filant au rouet dans la chambre de leurs fils, dont elles avaient fait leur salon, afin d’être entourées de tous les souvenirs matériels des absents. Je fus reçu par elles d’une façon affectueuse qui ne leur était pas ordinaire.