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vent avec moi, quand je m’obstine et que tu me cèdes.

— Non, non, lui dis-je en l’embrassant plus fort, je n’obéirai qu’à toi.

L’enfant et Marguerite revinrent du convoi d’Albert tristes et étonnés.

— Il n’y avait dans l’église, me dit mon fils, que quelques amis et quelques femmes en deuil qui pleuraient.

Il s’était mis à l’écart, dans une chapelle, avec Marguerite, et il avait fait sa prière pour Albert. En sortant de l’église il avait vu défiler le cortège. Plusieurs personnes qui passaient exprimèrent leur surprise qu’on ne rendit pas à Albert les grands honneurs qui lui étaient dus et que les princes d’aujourd’hui n’eussent pas envoyé leur voiture pour l’accompagner.

— Moi, poursuivit l’enfant, j’étais tout désolé de le voir s’en aller presque seul, comme un pauvre, au cimetière ; guéris vite, chère mère, afin que nous allions lui porter de belles fleurs sur sa tombe !

Hélas ! je ne guérissais pas et mon pauvre enfant s’épouvantait tellement en me voyant dépérir que je me décidai à le mettre au collège pour le séparer de ma souffrance et de ma douleur ; mais il languissait loin de moi, se refusait à jouer et n’était attentif qu’à l’étude. Quand le temps des vacances approcha, je me souviens que le jour où on devait me l’amener, je fis un effort violent pour me tenir debout ; je bus un peu de vin en pensant à Albert, et je me traînai jusqu’au jardin. À la même place où nous sommes, je m’assis sur un grand fauteuil ; ma tête pâlie s’appuyait sur des cous-