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salle à manger. Il posa sur le buffet les deux cages charmantes où les oiseaux des tropiques s’ébattaient, et me tendant aussitôt les bras, il me dit :

— Je n’y tenais plus, chère âme ; il m’a fallu revenir pour vous voir et pour vous entendre. — Allons, parlez-moi ! qu’avez-vous fait pendant mon absence ? Pourquoi sortez-vous et ne me gardez-vous pas tout aujourd’hui comme je m’y attendais ?

Il baisait mes mains et mon front et ne pouvait détacher ses regards de moi.

— Je ne vous ai jamais vu un visage si expressif et où éclatât tant d’âme, poursuivit-il, lorsque nous nous fûmes assis dans mon cabinet. Est-ce mon retour qui vous rend si belle ? Ne m’avez-vous pas oublié, m’aimez-vous un peu ? Et il se plaça dans une pose câline à mes pieds sur le coussin où si souvent il s’était assis.

Je restais interdite et muette. Comment avoir la dureté de le détromper ? Comment lui dire qui j’attendais ? Il fallait donc me résoudre à mentir !

— Pourquoi donc ne me parlez-vous pas, chère Stéphanie, reprit-il en me considérant toujours avec bonté.

— Je suis encore toute émue, lui dis-je, de cette douce surprise et bien désolée, croyez-le, de ne pouvoir fêter votre retour ; mais on m’attend, c’est un dîner de famille, il faut que je sorte, à demain, cher Albert.

Je prononçai ces mots rapidement et d’une voix saccadée : l’aiguille de la pendule marchait toujours et je