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en ce moment sa célébrité. Dormois, qui met dans sa conversation l’esprit et la chaleur qu’on trouve dans ses tableaux, a entrepris l’Italien sur Michel-Ange, Titien et Tintoret ; Tiberio s’est montré d’une telle ignorance, qu’Antonia en était déconcertée. À son tour, Sainte-Rive a voulu le faire causer poésie et il a haussé les épaules en l’entendant avouer qu’il préférait Métastase à Dante. Hess lui a fait une moue dédaigneuse à propos de plusieurs sottises qu’il a dites sur la musique. Antonia, pour venir en aide au pauvre garçon et le relever à nos yeux, a prétendu qu’il était très-fort en archéologie, et qu’elle était d’avis qu’il fallait être spécial et ne pas permettre à son intelligence une diffusion qui l’affaiblissait. En prononçant ce docte axiome elle ignorait que Labaumée, qui l’écoutait, était un très-profond archéologue, cachant son savoir sous son atticisme littéraire. Aussitôt il s’est mis à embarrasser Tiberio en lui adressant une foule de questions sur les antiquités romaines et étrusques. Le malheureux, traqué de tous côtés par la vivacité et l’ironie de l’esprit français, s’en est pourtant tiré, je dois l’avouer, à son honneur, par une sortie pleine de candeur.

— Messieurs, a-t-il dit à mes convives avec une dignité noble et une simplicité touchante, vous avez tort de rire de moi ; je ne suis pas un savant et je ne me donne pas pour tel ; je ne suis ici que comme l’amico, il servitor, il cavaliere de la carissima e illustrissima signora, et, à ce titre, vous devez me traiter avec courtoisie comme tout