Page:Colet - Lui, 1880.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 196 —

d’elle et l’embrassai. Elle me laissa faire, mais sans me rendre mes caresses : elle me regardait tristement et avec froideur.

— J’avais pensé, en trouvant la porte ouverte, que la paix était faite, lui dis-je, et voilà que je te trouve comme un bloc de glace.

— J’ai ouvert cette porte, reprit-elle, pour vous donner un conseil ; vos traits sont altérés, vous êtes d’une pâleur effrayante et vous ne résisterez pas à cette vie de dissipations, et peut-être de débauches ; puis vous devez manquer d’argent. Je me demande qui est-ce qui vous héberge et vous nourrit quand vous passez les jours et les nuits loin d’ici. De deux choses l’une : ou vous vous endettez, et c’est une folie indigne d’un pauvre artiste ; ou les autres payent pour vous, et c’est alors une humiliation indigne d’un gentilhomme. Je vous en conjure, Albert, renoncez à ce genre de vie, je ne dirai point par amour pour moi, car votre conduite me prouve que vous ne m’aimez pas, mais par respect pour la dignité humaine. Si je cesse d’être votre maîtresse, je resterai toujours votre mère, Albert, et j’ai dû vous parler comme je parlerais à mon fils.

— Grand merci, lui dis-je en éclatant de rire, je vous ai écoutée sans vous interrompre, et si vous voulez bien à votre tour m’accorder cinq minutes d’attention, vous pourrez juger que dans votre petit discours maternel, très-peu tendre et encore moins charitable, vous m’avez fort gratuitement accusé d’indélicatesse, de dissipation et même de débauche. Je lui fis alors le