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Elle me parut en ce moment sentencieuse et dure comme un pédagogue qui gourmande un enfant caressant.

— Reste donc, repartis-je, et je tournai les talons.

Je dus mentir à la prima donna, et lui dire que j’avais trouvé mon amie souffrante. Alors elle s’offrit pour la soigner et m’engagea à ne pas la quitter.

Je répliquai qu’Antonia reposait, et que quelques heures de solitude lui seraient bonnes.

— En ce cas, vous soupez avec nous ? me dit Stella.

— Oui, j’aurai cet honneur, répondis-je, et je me rassis dans la gondole, qui reprit sa course. À l’angle d’un canal, elle se croisa avec celle de la danseuse Zéphira, qui, nous ayant aperçus, fit un bond vers nous, et s’écria :

— J’en étais sûre : voilà le signor Francese qui fait la cour à Stella !

— Venez à mon secours, Zéphira, répliqua gaiement l’amant de la cantatrice, sans cela je suis perdu ; et, la voyant prête à sauter dans notre gondole, il lui tendit galamment la main.

— Et où allez-vous comme cela ? reprit la danseuse.

— Souper chez moi, répliqua Stella.

— J’en suis, dit Zéphira ; Luigi m’ennuie, il est laid et jaloux ; cela m’amusera de le laisser se morfondre à m’attendre. Je ne danse pas ce soir, signor Francese, et après le souper je pourrai vous promener au clair de