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excursions sur mer ; un jour, nous allâmes à l’île des Arméniens ; nous visitâmes le couvent et sa célèbre bibliothèque. Je fus frappé de l’aisance avec laquelle un jeune religieux, à peu près de ma taille, portait sa robe de bure à larges plis, nouée à la ceinture par une corde. Je le priai de m’en faire faire une semblable, et aussitôt qu’on me l’apporta, elle me servit de robe de chambre. Antonia prétendit que j’étais charmant dans ce costume de moine, et moi, à mon tour, je la trouvai bien plus belle, depuis qu’elle revêtait chaque matin une robe de velours noir à la dogaressa que j’avais fait copier pour elle d’après le portrait d’une illustre Vénitienne. Quand nous sortions en ville, nous reprenions nos simples habits à la française, afin que rien d’étrange n’attirât sur nous l’attention. Seulement, chaque fois que je la conduisais à l’Opéra, j’exigeais qu’Antonia mit des fleurs ou des bijoux dans ses magnifiques cheveux. Sa beauté fut remarquée ; on sut qui nous étions, et le consul français, pour qui j’avais des lettres et dont le père avait connu le mien, vint un jour nous faire visite et nous proposa ses services pour tout le temps que nous resterions à Venise.

Antonia déclina noblement et poliment ses offres aimables. Nous avions à travailler, lui dit-elle. Nos premiers jours d’installation avaient pu être donnés aux plaisirs et à la visite des monuments, mais, désormais, notre curiosité étant satisfaite, nous ne sortirions plus que bien rarement.

— Vous avez tort de fuir le monde qui vous recherche,