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était enchantement autour de nous et dans nos cœurs. Ô soirs ineffables et nuits caressantes de Gênes ne pouvez-vous revenir !

Tout est motif de fête à l’amour heureux ; on se croit un corps immortel durant cette phase ardente de la vie, on participe des dieux. Après de courtes nuits, plus remplies de bonheur que de sommeil, nous allions chaque matin visiter quelque jardin célèbre, puis nous sortions dans la campagne. Nous admirions la beauté de la lumière et l’effet magique qu’elle produisait sur les crêtes des montagnes ; elle les faisait parfois ressembler à des masses d’opales irisées. Pendant la chaleur du jour, nous errions dans les grands palais de marbre, contemplant avec ravissement les peintures et les statues des vestibules, des salons et des galeries. Quel luxe grandiose dans ces décorations ! Je disais à Antonia :

— Si j’étais riche, je te donnerais un de ces magnifiques palais ; j’y réunirais une troupe de musiciens choisis, qui, cachés dans une chambre éloignée, te feraient entendre, quand tu travailles, des harmonies inspiratrices ; je voudrais, à chacune de tes œuvres accomplie, que l’encens du monde montât vers toi ; je convoquerais dans des fêtes sans pareilles tout ce qui comprend l’art, le pratique et l’applaudit ; je te montrerais alors aux yeux éblouis de ces disciples du beau, toi la reine de mon cœur, en robe de velours traînante couverte d’hermine et de chaînes d’or, les saluant de ta tête inspirée, et portant au-dessus de ton front