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plongeait des lames d’or. Quelques vaisseaux à voiles couraient çà et là vers la grande mer ou regagnaient le port. Insensiblement les vagues grossirent, je sentis un malaise subit, et le ciel et l’eau se confondirent devant mes yeux troublés ; je ne voyais plus qu’une masse écrasante qui semblait peser sur ma poitrine : l’admiration était vaincue par le mal de mer. Antonia, plus forte que moi, résista à la funeste influence ; elle me fit étendre sous une tente où l’air circulait et qui me dérobait la lumière trop brûlante et trop vive. Durant tout le voyage, elle eut pour moi les attentions les plus intelligentes et les plus tendres, et je lui dus d’échapper à l’espèce d’abrutissement que cause cette fade souffrance. Je rougissais un peu d’être plus faible qu’elle ; mais j’étais heureux de l’appui qu’elle me prêtait.

Aussitôt que nous vîmes la terre et que Gènes nous montra en amphithéâtre ses palais de marbre, mon abattement disparut. J’avalai deux verres de vin d’Espagne ; je pus me tenir debout sur le pont, et je me ravivai à la brise qui soufflait plus forte. Nous débarquâmes au milieu d’une population toujours en fête et qui semblait s’enivrer de son soleil, de ses fleurs et de sa langue harmonieuse.

Une fois sur le port, je passai le bras d’Antonia sous le mien, et, le serrant fortement, je lui dis :

— À moi, ma belle, de te protéger à mon tour, de te guider et de te soigner ; je prétends, madame, vous faire les honneurs de l’Italie.