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— Qu’on est bien ici, dis-je à Albert, ne songeant qu’à l’apaisement que je ressentais.

— Je ne connais pas, répliqua-t-il, de spectacle plus saisissant et plus beau que celui d’une nuit étoilée ; dans le jour, le firmament paraît désert et vide ; mais par une nuit claire le voilà qui se peuple et s’anime comme l’incommensurable cité de Dieu. On a prétendu que les découvertes modernes de la science anéantissaient l’imagination. Je pense, au contraire, que la science en s’agrandissant a agrandi les voies de la poésie ; si la terre paraît étroite et bornée à nos regards, depuis que nous croyons à ces mondes innombrables qui flottent sur nos têtes, quel champ pour notre âme que cette évolution sans borne qu’elle accomplit dans l’infini ! Mais par cet infini même. Dieu perd, dit-on, pour nous de sa personnalité et échappe à ces myriades d’êtres infimes dont il ne saurait s’occuper, tant ils sont nombreux ! Eh ! qu’importe la quantité à l’infini ? Dieu embrasse tout d’une étreinte facile, et nous, nous sentons mieux sa puissance en le pensant le maître de ces milliers de globes innommés que le possesseur mesquin de notre univers connu et en tous sens exploré.

Tandis qu’il parlait, Albert s’était levé, il se tenait debout sur une des marches du piédestal de la croix, la lueur de ces belles étoiles qu’il me montrait du geste caressait son front inspiré. Ainsi éclairé d’en haut, son visage était superbe ; sa taille un peu grêle et petite me semblait toucher le ciel, il prenait à mes yeux les proportions et le prestige du génie.