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que ceux qui n’ont jamais tenu compte de l’influence de l’atmosphère, d’un regard qui nous atteint, d’un souffle qui nous pénètre !

Frappée par ce mal indicible, je fus oisive jusqu’au soir, rêvant aux heures d’amour que j’avais goûtées et qui ne revenaient pas. Les souvenirs enflammés de la passion gâtent tous les autres bonheurs de la vie. Les pures caresses de mon fils me fatiguaient ; j’avais un désir impossible d’autres étreintes. Après dîner, j’envoyai l’enfant jouer au jardin, pour être seule avec ma rêverie ardente.

Je restai inerte sur mon grand fauteuil, sans regarder par la fenêtre les jeux de mon fils qui m’appelait de temps en temps. Durant deux heures, il courut et s’ébattit avec quelques petits camarades du voisinage. Quand il remonta, il était si las qu’il s’endormit subitement ; Marguerite l’emporta dans son lit, et je demeurai seule, la fenêtre ouverte, enveloppée dans la molle clarté de la lune, aspirant avec ivresse le parfum des acacias qui s’élevait vers moi.

Un coup de sonnette me fit tressaillir et m’arracha à mon immobilité extatique. Je me précipitai vers la porte en m’écriant mentalement : C’est peut-être Léonce !

Il est des heures où ces immenses désirs de l’amour devraient être exaucés par la destinée ! C’était Albert, radieux, le front inspiré, et qui me parut rajeuni.

— Je vous ai obéi, me dit-il ; j’ai travaillé, j’ai com-