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monta précipitamment dans la chambre qu’il occupait, et se mit à tracer des signes inintelligibles pour tout autre que pour lui, sur un cahier rayé qui était là sur un pupitre.

[Illustration : Mozart à la chapelle Sixtine]

Le soir, à la table de l’ambassadeur, on parla de la cérémonie religieuse du jour, et de l’effet merveilleux qu’avait produit le Miserere d’Allegri. » Quel dommage, dit l’ambassadeur, qu’on ne puisse pas faire connaître au monde entier cette musique, où le remords et la douleur gémissent éternels et infinis ! Ce chant serait moralisant par sa tristesse même ; les âmes qui l’auraient entendu redouteraient de s’exposer aux douleurs qu’il exprime.

— Vous devriez bien vous servir de cet argument auprès de Sa Sainteté, répliqua l’ambassadeur de France qui dînait chez son confrère, pour obtenir une copie de cet air sacré.

— Tous nos arguments échoueraient, répondit l’ambassadeur d’Autriche ; voilà plusieurs siècles que cette musique fut composée par Allegri, et jamais elle n’a retenti que sous la voûte de la chapelle Sixtine : ni rois ni empereurs n’ont pu l’obtenir des papes qui se sont succédé ; ils répondaient aux requêtes royales que ce chant faisait partie du trésor sacré de Saint-Pierre et ne devait pas en sortir. »

Un sourire d’orgueil glissa sur la lèvre de l’enfant à l’habit vert, qui dînait à la table de l’ambassadeur.

Le lendemain, vendredi saint, à l’heure de l’office, on eût pu voir le même enfant à la même place que la veille, écoutant encore le fameux Miserere ; mais cette fois sa tête, au lieu de se lever contemplative, était affaissée sur