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ce qu’il montra trop bien peu de temps après ; un article de sa gazette ayant déplu, l’autorité lui défendit d’en continuer la publication. James, qui tenait avant tout à l’argent, eut recours à un stratagème pour ne pas suspendre son journal dont il tirait chaque jour un gain assuré : il le fit paraître sous le nom de son frère, et, pour faire croire à tous à la réalité de cette fiction, il rendit à Benjamin son engagement d’apprenti qui le liait jusqu’à vingt et un ans ; mais il prit la précaution de lui faire signer un nouvel engagement secret qui l’enchaînait sinon en public, du moins devant sa conscience.

Le studieux adolescent consentit à tout pour continuer à faire paraître ses travaux, et aussi dans l’espérance que son frère, touché par le profit que lui rapportait cette gazette, se départirait de sa rigueur envers lui ; mais il est des âmes communes et jalouses qui se donnent pour mission d’être les mauvais génies des âmes élevées : les exploiter et les abaisser, tel est le but incessant de leur envie. James, humilié de la supériorité déjà éclatante de son frère, l’accablait de la plus rude besogne, dans l’espérance que cette supériorité faiblirait : du matin au soir il le forçait à travailler à l’imprimerie, quoiqu’il le vît pâle et défait lorsqu’il avait passé la nuit à écrire pour son journal.

Un jour, Benjamin, lassé de cette lutte et de cette exploitation, déclara à son frère qu’il voulait sa liberté.

[Illustration : James l’appela traître et parjure]

James l’appela traître et parjure.

» Je sais bien que je manque à ma parole, répliqua le pauvre garçon, qui avait le cœur droit ; mais vous, James, vous manquez à la justice et à la bonté. »