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fourgons enfilés sur le pont, je dis aux canonniers : « Partez rejoindre vos pièces », et je remercie ces braves soldats. Arrivé sur ce grand défilé, je ne trouve plus l’artillerie, elle était partie au galop prendre position. Je rencontre les ambulances de l’armée commandées par un colonel de l’état-major de l’Empereur qui tenait le milieu de la chaussée. Mon premier piqueur lui dit : « Monsieur le Colonel, veuillez bien nous céder la moitié du chemin. — Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous. — Je vais en faire part à l’officier qui commande, répliqua le piqueur. — Qu’il vienne, je l’attends ! »

Il vient me rendre compte, je pars au galop ; arrivé près du colonel, je le prie de me céder la moitié du chemin. « Puisque vous l’avez cédée au parc d’artillerie, lui dis-je, vous pouvez bien faire appuyer à droite, et nous doublerons. — Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous. — Est-ce là votre dernier mot, colonel ? — Oui. — Eh bien ! au nom de l’Empereur, appuyez à droite de suite, ou je vous bouscule. » Je le pousse du poitrail de mon cheval, répétant : « Faites appuyer à droite, vous dis-je. » Il veut mettre la main à son épée : « Si vous tirez votre épée, je vous fends la tête. » Il appelle à son secours des gendarmes qui disent : « Démêlez-vous avec le vaguemestre de l’Empereur, cela ne nous regarde pas. » Le colonel hésitait, néanmoins. Me retournant vers son ambulance,