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Le 19 mai, l’Empereur se porta devant Bautzen et s’y prépara à une bataille. Le 20 mai, la canonnade s’engagea à midi et dura cinq heures sans interruption. Deux heures après, la bataille recommença sur une plus large échelle. Le lendemain 21 mai, l’ennemi opéra sa retraite vers six heures du soir. Le 22 mai, à quatre heures du matin, l’armée se mit en marche pour suivre l’ennemi ; les Russes furent enfoncés par la cavalerie de Latour-Maubourg après un combat meurtrier ; le général de cavalerie Bruyère eut les jambes emportées par un boulet de canon. Comme nous étions à la poursuite des Russes sur la grande route, il part deux coups de canon sur notre côté droit. L’Empereur s’arrête et dit au maréchal Duroc : « Va voir cela. » Ils arrivèrent sur une hauteur et le maréchal fut frappé d’un boulet ; par ricochet, le général du génie qui était avec lui mourut sur le coup. Duroc ne survécut que quelques heures ; l’Empereur ordonna que la garde s’arrêtât. Les tentes du quartier impérial furent dressées dans un champ sur la droite de la route. Napoléon entra dans le carré de la garde et y passa le reste de la soirée, assis sur un tabouret devant sa tente, les mains jointes, la tête baissée. Nous étions tous là autour de lui sans bouger ; il gardait le plus morne silence. « Pauvre homme ! disaient les vieux grenadiers, il a perdu ses enfants. »

Lorsque la nuit fut tout à fait close, l’Empe-