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LES CAHIERS

derrière, mais ils n’ont pas réussi. — Allons, buvez un coup de rhum pour vous remettre. »

Il me présente une bouteille d’osier qu’il prend dans ses fontes de pistolets et me la présente : « Après vous, s’il vous plaît. — Buvez un bon coup ! Vous reviendrez bien seul ? — Oui », lui dis-je. — Il part au galop, et j’arrive à mon poste mon fusil d’une main, ma culotte de l’autre, en serre-file ; c’était mon poste ; là je me rétablis.

« Eh bien, me dit le capitaine Renard, vous l’avez échappé belle. — C’est vrai, capitaine, leur papier est bien dur ; je n’ai pu m’en servir. Ce sont des butors. » Et voilà des poignées de main qui m’arrivent de tous mes chefs et camarades.

Les cinquante pièces de canon des Autrichiens tonnaient sur nous sans que nous puissions faire un pas en avant, ni tirer un seul coup de fusil. Qu’on se figure les angoisses que chacun endurait dans une pareille position, on ne pourra jamais le dépeindre ; nous avions quatre pièces de canon devant nous, et deux devant les chasseurs pour répondre à cinquante. Les boulets tombaient dans nos rangs et enlevaient des files de trois hommes à la fois, les obus faisaient sauter les bonnets à poil à 20 pieds de haut. Sitôt une file emportée, je disais : « Appuyez à droite, serrez les rangs ! » Et ces braves grenadiers appuyaient sans sourciller et