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LES CAHIERS

traversons le jardin des Tuileries pour nous mettre à table dans l’avenue de l’Étoile, et de là à Courbevoie pour prendre du repos. Mais l’Empereur ne nous laissa pas longtemps tranquilles, il forma de suite des écoles régimentaires, et il fit venir de Paris deux professeurs pour nous instruire, un le matin et l’autre le soir. Que cela faisait bien mon affaire ! De suite, je fis emplette d’une grammaire et d’une théorie. Deux fois par jour en classe, secondé par mes vélites, je fis des progrès ; je n’en quittais pas, sinon pour monter ma garde. Sorti de la classe, je partais me cacher dans le bois de Boulogne, dans un endroit bien retiré, et là j’apprenais ma théorie. Au bout de deux mois j’écrivais en gros, et je peux dire bien[1], les professeurs me disaient : « Si nous vous tenions pendant un an, vous en sauriez assez ; vous avez une bonne main. » Comme j’étais fier !

L’Empereur forma en même temps une école de natation pour nous apprendre à nager, il fit établir des barques près du pont de Neuilly, et là on mettait une large sangle sous le ventre du grenadier qui ne savait pas nager. Tenu par deux hommes dans chaque barque, ce militaire était hardi, et en deux mois il y avait déjà huit cents grenadiers qui pouvaient traverser la Seine.

  1. La vue du manuscrit autographe de Coignet nous force à dire qu’il se vantait un peu.