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LES CAHIERS

Voilà les Anglais qui tirent à poudre pour appeler à leur secours, et voilà le feu dans le vaisseau. Les Anglais sautaient dans nos barques comme dans les leurs. Notre petite flottille poursuivit leurs gros bâtiments, il fallait voir tous ces petits carlins après des gros dogues ! c’était curieux. Les Anglais voulurent revenir à la charge, mais ils furent mal reçus ; nous étions en règle. Nos petits bateaux faisaient des dégâts ; tous les coups portaient, et leurs bordées passaient par-dessus nos péniches. Nous eûmes l’ordre de rentrer dans le port pour faire une grande manœuvre sur toute la ligne. Jamais on n’avait vu cent cinquante mille hommes faire des feux de bataillon ; tout le rivage en tremblait.

Tous les préparatifs se faisaient pour la descente ; c’était un jeudi soir que nous devions mettre à la voile pour arriver sur les côtes d’Angleterre le vendredi. Mais, à dix heures du soir, on nous fit débarquer, sac au dos, et partir pour le pont de Briques pour déposer nos couvertures. C’était des cris de joie. Dans une heure, toute l’artillerie était en marche pour la belle ville d’Arras. Jamais on n’a fait une marche aussi pénible, on ne nous a pas donné une heure de sommeil, jour et nuit en marche par peloton. On se tenait par rang les uns aux autres pour ne pas tomber ; ceux qui tombaient, rien ne pouvait les réveiller. Il en tombait dans des