Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
DU CAPITAINE COIGNET.

charges. Je vous ai bien vu. — C’est vrai ! » dit-il.

Il vient me reconduire avec son maréchal des logis jusqu’à la grille. Dans la cour, les blessés de la garde étaient étendus sur la paille, et l’on faisait des amputations. C’était déchirant d’entendre des cris partout. Je sortis le cœur navré de douleur, mais il se passait un spectacle plus douloureux dans la plaine. Nous vîmes le champ de bataille couvert de soldats autrichiens et français qui ramassaient les morts et les mettaient en tas, et les traînaient avec les bretelles de leurs fusils. Hommes et chevaux, on mettait tout pêle-mêle dans le même tas, et l’on y mettait le feu pour nous préserver de la peste. Pour les corps éloignés, on jetait un peu de terre dessus pour les couvrir.

Je fus arrêté par un lieutenant qui me dit : « Où allez-vous ? — Je vais porter du pain à mon capitaine. — Vous l’avez pris au quartier général du Consul. Peut-on en avoir un morceau ? — Oui, lui dis-je ; je dis à mon camarade : vous en avez un morceau, donnez-le au lieutenant. — Je vous remercie, mon brave grenadier, vous me sauvez la vie. Passez à gauche de la route. »

Et il eut l’obligeance de nous conduire un bon bout de chemin, crainte de nous voir arrêtés. Je le remerciai de son obligeance, et j’arrive près de mon capitaine qui rit en me voyant un