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qu’ils sabrent. Je reçus un coup de sabre si fort sur le cou que ma queue fut coupée à moitié. Heureusement que j’avais la plus forte de tout le régiment. Mon épaulette fut coupée avec l’habit, la chemise ; et la chair, un peu atteinte. Je tombai à la renverse dans un fossé.

Les charges de cavalerie furent terribles ; Kellermann en fit trois de suite avec ses dragons ; il les menait et les ramenait. Toute cette cavalerie sautait par-dessus moi qui étais étourdi dans le fossé. Je me débarrassai de mon sac, de ma giberne et de mon sabre ; je pris la queue du cheval d’un dragon qui était en retraite, laissant tout mon fourniment dans le fossé. Je faisais des enjambées derrière ce cheval qui m’emportait, et je tombai roide, ne pouvant plus souffler. Mais, Dieu merci ! j’étais sauvé. Sans ma chevelure (que j’ai encore à soixante-douze ans), j’avais la tête à bas.

J’eus le temps de retrouver un fusil, une giberne et un sac (la terre en était couverte), et je repris mon rang dans la deuxième compagnie de grenadiers qui me reçurent avec amitié. Le capitaine vint me serrer les mains : « Je vous croyais perdu, mon brave, dit-il, vous avez reçu un fameux coup de sabre, car vous n’avez plus de queue et votre épaule a bien du mal. Vous devriez vous mettre en serre-file. — Je vous remercie, j’ai une giberne pleine de cartouches et je vais bien me venger sur les