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DU CAPITAINE COIGNET.

compliments. Je les remerciai par une poignée de main, et je fus rempli d’attention pour tous.

Les années se passaient dans une servitude douce, quoique pénible, car je me multipliais, je veillais à tous les intérêts de la maison. Des souvenirs s’étaient glissés dans ma tête, je pensais à mes frères, à ma sœur, et surtout aux deux disparus de la maison à un âge si tendre, je n’étais pas maître de retenir des larmes sur le sort de ces deux pauvres innocents ; je me disais : « Que sont-ils devenus ? Les a-t-elle détruits, cette mauvaise femme ? » Cette idée me poursuivait partout, je voulais aller m’en assurer, et je n’osais en demander la permission, par crainte de perdre ma place. Ma présence était nécessaire à la maison, il fallut patienter et me résigner à attendre tout du sort. Les années se passaient sans ne pouvoir rien apprendre de leurs nouvelles ; ma gaîté s’en ressentait, je n’avais personne à qui je pouvais conter mes peines.

Je me fortifiai dans l’agriculture où je devins très fort, et je fus reconnu tel ; à vingt et un ans, je pouvais me passer de maître pour mener la charrue, et conduire un chariot à huit chevaux.

Les ordres arrivèrent de Paris et il fallut partir de suite pour nous rendre à l’École militaire, où nous trouvâmes un général et les officiers de hussards et de chasseurs. Mon maître fut reçu