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De fort belles pages sont inspirées par

Les Formes


Oui, les arts sont vaincus ; les Formes immortelles
Voient les déserts lointains s’élargir devant elles ;
Mais calmes, dédaignant le mépris des humains,
Le granit de loirs pieds fait sonner leurs chemins.
Leurs reins n’ont pas fléchi : leurs regards, sans paupière,
Doivent, sans se lasser, l’éternelle lumière,
Et rien ne peut troubler l’immuable fierté
De leurs membres, puissants comme un marbre sculpté.
Leur grâce ondule et chante en admirables poses ;
Le soleil amoureux dore de baisers roses
Les rondeurs de leurs seins et de leurs flancs cambrés.
Elles vont ; elles vont. — Leurs longs cheveux ambrés,
En flots marmoréens s’écroulant sur leurs hanches,
Mêlent une ombre douce à leurs splendeurs trop blanches,
Dans un rayon vermeil drapant leur nudité,
Elles marchent sans peur, debout dans leur beauté
Le désert retentit sous leurs pieds qui le froissent ;
Vers le pâle occident les cités, qui décroissent
Et plongent dans les flots des brouillards amassés,
S’accroupissent au loin comme des bœufs lassés.
Et le jaune horizon, tout nuagé de brume,
Comme un feu qui s’éteint, rougit, palpite et fume.


Ce n’est là que le début. Les cités ont exilé le chœur divin des Formes. Les rappelleront-elles ? Oui, quand elles réaliseront la liberté promise. L’ensemble du XIXe siècle s’ordonne en quelques vers :


Ce siècle de brouillards, tout traversé d’éclairs,
Plein de foudres, ressemble à ces pesants hivers
Ou, sur les caps brumeux battus des mers lascives,
Echevêlant aux vents leurs lames convulsives,
Ossian écoutait, sous les nuages lourds,
Ses aïeux chuchotant leurs gémissements sourds.


Devant le désir du poète se lève une (orme magnifique, fille de l’orient et de la blonde Hellade, aux poses superbement tranquilles ; il la célèbre et la prie avec ardeur, et elle lui répond :


Ah ! nous ne conduisons aux lumières futures
Que ceux dont la puissance et dont la volonté
Suivent patiemment, sans pleurs et sans murmures,
Le chemin du désert et de l’éternité.
.....
Confiant dans ton sort et dans la conscience,
Suis mes yeux, dédaigneux d’un soleil affaibli ;
Pour bâton de voyage ayant pris la science,
Entre le siècle et toi laisse monter l’oubli !