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COSMOLOGIE

au-delà des observations cosmiques à ce jour n’est pas abandonnée. C’est beaucoup. L’entendement humain peut reculer toujours la borne de la connaissance, mais non la supprimer.

Laplace nous apporte les éléments d’une hypothèse de génie modestement présentée « avec la défiance que doit inspirer tout ce qui n’est point le résultat de l’observation et du calcul. » On ne peut pas mettre moins de prétention dans une si audacieuse entreprise. Il faut bien, cependant, qu’il y ait de l’observation et du calcul dans les assises de toute hypothèse scientifique du Cosmos. Il demeure donc une très belle part de la gloire de Laplace, dans toutes les observations, dans tous les calculs, qui ont pris à tâche de corriger, de refondre son hypothèse, pour la renouveler en l’appropriant, par tous essais de précisions, aux développements d’une connaissance agrandie[1].

Enfermé dans l’étude du système solaire, Laplace s’est proposé de montrer comment la gravitation universelle suffit à rendre compte des phénomènes révélés par les révolutions des astres. La considération des mouvements planétaires, dans le même sens autour du soleil, le conduit à penser qu’en vertu d’une chaleur excessive, la sphère du soleil, en des âges lointains, s’est étendue au delà des orbes de toutes les planètes et qu’elle s’est peu à peu condensée par le rayonnement jusqu’à ses limites actuelles. Ainsi se présente l’hypothétique évolution de la nébuleuse qui a fait l’objet de tant de discussions, sans qu’on ait réussi encore à fixer un autre thème sur d’autres fondements. Conception, purement physico-chimique, d’un mécanisme universel où rien n’apparaît, où rien ne disparaît, où tout est de mouvement sans commencement ni fin. « Si l’hypothèse est vieille, remarque M. Henri Poincaré, sa vieillesse est vigoureuse, et, pour son âge, elle n’a pas trop de rides. Malgré les objections qu’on lui a opposées, malgré les découvertes que les astronomes ont faites et qui auraient bien étonné Laplace, elle est toujours debout, et c’est encore elle qui rend le mieux compte de bien des faits. »

Comme nous voilà loin des cosmogonies sacrées qui lais-

  1. On trouvera, dans l’ouvrage de M. Louis Maillard, Quand la lumière fut… un très clair résumé des hypothèses cosmogoniques de Faye, de Belot, de Moreux, auxquelles Laplace doit des comptes, et qui ne manqueront point, elles-mêmes, d’avoir concouru à préparer les cosmologies de l’avenir.