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AU SOIR DE LA PENSÉE

De précieuses tablettes de terre cuite (bibliothèque d’Assourbanipal, Ninive, septième siècle avant notre ère) dont l’incertaine rédaction peut remonter au règne d’Hamurabi (législateur babylonien du vingtième siècle avant Jésus-Christ) nous montrent les Assyro-Chaldéens commençant d’introduire, au travers du roman des mythes primitifs, un ordre d’expérience devant lequel « les Dieux eux-mêmes sont tenus de s’incliner. » Le grand Dieu de l’Iran, Mardouk, dispose les planètes en vue d’une course assignée, donne ses lois à la lune qui va fournir nos premières divisions du temps (mois et semaines), répartit fantastiquement les étoiles en ces imaginaires constellations qui ne répondent à aucune réalité concevable, mais n’en pourront pas moins, par des subjectivités de rapports, nous apporter des éléments de repères par lesquels le Zodiaque, c’est-à-dire la course apparente du soleil dans le ciel, pourra être déterminée.

Des origines d’une civilisation d’Égypte, nous ne savons à peu près rien. Une population d’Afrique conquise et assimilée, a-t-on dit, par des peuples d’Asie venus à travers la mer Rouge. Une étonnante fusion se serait accomplie, et aussi loin que nous remontions — fétiches et culte solaire, avec mythes et rites emmêlés, ne nous montrent rien de sensiblement supérieur à ce que nous rencontrons en d’autres contrées. Point de filiation historique des deux jointures hypothétiques de cette histoire. Aucun peuple n’a tant écrit pour si peu dire. Aucun peuple n’a laissé tant de témoignages d’un si prodigieux effort pour conduire à de si médiocres effets. D’admirables œuvres d’art. Hors des croyances religieuses, des points d’interrogation. Une inconcevable distance des monuments à leur signification. Voyez les Pyramides. Et cependant l’Égypte partagerait avec la Chaldée l’honneur des premières initiatives de hautes généralisations. Cela s’éclaircira peut-être un jour.

Au travers des permanentes modalités de son culte solaire, la pensée égyptienne nous apporte cette puissante formule du problème cosmique. « Je suis tout ce qui a été, tout ce qui est et sera, et mon voile, nul mortel ne l’a jamais soulevé ». Ainsi prononce Isis, la plus haute personnification de la Nature en un temps où les idées, pour se fixer, voulaient le véhicule de la personnalité.

En cette forme, voyons-nous l’existence universelle jeter son