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COSMOLOGIE

(sauvages ou civilisés) pour les malheureux qui ouvrent leur enquête du monde en prenant acte de ce qu’ils ont sous les yeux. Il est si simple de dire d’abord ce qu’on ne connaît pas, avant d’en venir au souci d’une correspondance avec les phénomènes qui s’imposent à nos regards.

« Au commencement », il n’y avait rien, et il y avait Dieu tout à la fois. Et Dieu, tout parfait, fit le monde imparfait, ce dont il se repentit en créant l’Enfer, pour punir sa créature bien innocente de sa propre création. Tels sont les grands secrets qu’on nous offre pour remplacer les faits d’expérience au contact desquels réagit, intellectuellement et émotivement, notre sensibilité.

Les cosmologies imaginatives des peuples de la terre, sauvages ou civilisés, forment une longue liste de fantasmagories auxquelles il serait vain de s’arrêter. De grossières constructions aériennes qui n’arrivent à se raffiner que chez les peuples attendus de l’histoire pour des évolutions de positivité.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces cosmologies primaires sont déjà l’ultime produit d’âges sans histoire où toutes les fantaisies ont pu se donner cours en l’absence d’une critique élémentaire. L’écriture commençant de fixer les gestes des ancêtres, des formules sont apparues sur lesquelles de vagues traditions pouvaient s’instituer. Il en est demeuré d’hétéroclites mélanges. Avec l’histoire, partout répandue, d’un déluge universel, nous avons la traditionnelle relation d’un des derniers cataclysmes planétaires coïncidant avec une évolution indéterminée de l’espèce humaine. C’est déjà le passage d’une cosmologie de rêve à une cosmologie d’observation qui s’impose par l’accroissement des inférences de l’expérimentation aux dépens de fables surannées. Avec l’état d’esprit nouveau, qui ne peut plus vivre uniquement des contes primitifs, un autre âge commence : celui d’une observation imaginée selon des apparences, en attendant les contrôles de l’observation positive à vérifier. Triomphe de cet état d’esprit dans Lucrèce, chez qui retentit l’appel de l’hellénisme aux hypothèses d’expérience à venir.

À l’heure où Copernic allait marquer de son empreinte un moment décisif dans l’histoire de l’astronomie, c’est-à-dire vers le début du seizième siècle, les systèmes astronomiques de Pythagore, d’Héraclite, d’Aristote, d’Hipparque, de Ptolémée se partageaient les faveurs du monde « savant ». Le système de