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AU SOIR DE LA PENSÉE

hommage à l’accueil que rencontre, en tous lieux, l’étranger. Avec ou sans son bol d’aumône, le pèlerin sera deux fois le bienvenu, car l’acte de foi dont il est le vivant témoignage parle très haut à ces hommes, tout simples, chez qui la croyance se manifeste en des qualités d’âme dont la fleur paraît s’être perdue. Gares, guichets, règlements de tous ordres, telle est aujourd’hui notre affaire, avec l’hôtel si nous pouvons le payer. Alors, on se présentait au foyer, et le payement était de paroles amies. Quelle que fût leur doctrine, le mendiant, le pèlerin étaient saints. Aujourd’hui, la porte est fermée, et nos inévitables devoirs d’altruisme s’exercent administrativement. Mérites individuels remplacés par l’organisation d’un commerce de vertus dont l’artifice est d’une lettre de change tirée sur la Divinité. Culture d’égoïsme au travers de feintes de charité universellement répandues.

Au dehors, la violence était maîtresse du monde, avec moins de déguisements qu’aujourd’hui. Des miracles partout. D’innocents personnages en laissaient couler de leurs lèvres à toutes rencontres. Nos pèlerins vivaient dans des prodiges d’eux-mêmes et d’autrui. Des monstres, des dragons, des démons les assiégeaient à chaque instant, sans qu’il fût besoin de s’en émouvoir outre mesure. Un sourire, une parole de foi et tout s’arrangeait aussitôt. Il n’était pas jusqu’aux tentations démoniaques qui ne vinssent s’offrir pour détourner le triomphe de la parole sainte. Une humanité qui n’est plus.

Au siècle suivant, Hiouen-Thsang, humble moine bouddhiste, toujours muni de son bol de mendicité, vécut seize ans les mêmes prodiges du même pèlerinage, aux fins d’une édification plus parfaite encore. Celui-ci, en comparaison de Fa-Hsien, impassible, est un véritable personnage de roman. Je résiste à l’envie de redire ses aventures merveilleuses où Max Muller s’est arrêté pour un hommage d’admiration. Une excellente publication des hauts faits de Hiouen-Tshang, avec une surabondance de notes précieuses, vient de paraître à Londres. Le texte dé M. Watters, embarrassé d’érudition, nous dit, sans doute, tout ce que nous pourrons jamais connaître des hauts faits de cette prodigieuse histoire.

Tenté comme Fa-Hsien d’un pèlerinage d’études à la terre sacrée, et mieux préparé que son prédécesseur par les recherches