Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
357
COSMOGONIES

tion, vinssent à se faire jour pour permettre, ou même imposer, des déplacements en vue d’une vie d’activités agrandies. Dès ces temps quasi fabuleux, l’âge des grands blocs de pierre érigés par toutes les régions de la planète avait déjà probablement perdu sa signification originelle dans le recul de temps qui échappaient à toute mesure. Ce passé sans limites, sans points de repère pour fixer des moments, c’est la brume d’un passé dont on ne peut rien dire, sinon que nous sommes en voie d’en éclairer quelques abords.

Sur les premiers groupements humains et leurs relations de tout ordre, nous n’en sommes qu’aux préliminaires. L’Asie, l’Égypte, méthodiquement interrogées, ont répondu à nos enquêtes. La Mésopotamie, Babylone, Ninive, Suse, nous ont livré leurs trésors avant Taxila, cependant que la Grèce, sous l’impulsion de Schliemann, nous ouvrait les portes de Mycènes, de Troie, de Tyrinthe, de Knossos, de Phaistos. Œuvre de rénovation qui entame à peine les chantiers sans fin de la préhistoire humaine. Voyez les musées du Louvre, de Boulak, de Candie.

La stèle du Louvre, où se trouve inscrit le code des lois d’Hammourabi, roi de Babylone, fut découverte par M. de Morgan, à Suze, où elle avait, sans doute, été transportée comme butin de guerre[1]. Elle nous fait remonter jusqu’à deux mille ans avant notre ère, avec de remarquables précisions sur l’état de vie civilisée auquel des peuples de l’histoire lointaine étaient parvenus. Un fonds commun de barbarie et de pitié sociale nous montre sur le vif des activités coordonnées d’évolution humaine qui nous permettent d’inférer historiquement des âges continant aux brumes de la préhistoire. Les tablettes de terre cuite de Ninive, à caractères cunéiformes, nous ont permis de rejoindre près de leur origine, les récits mythologiques de la Création, du déluge, etc… « toute cette ancienne épopée babylonienne, si étroitement apparentée avec les idées du peuple juif, que du premier coup on y a reconnu la source à laquelle avait puisé la Genèse[2] ».

Comme toutes les bibliothèques, celle du roi Assourbanipal contenait, à côté des inscriptions du temps, d’anciens textes des

  1. C’est à ce titre qu’on a trouvé à Suze encore, un ex-voto en bronze, de deux Grecs de Milet, avec dédicace en écriture boustrophédon. Hérodote raconte précisément qu’en 494 Milet fut pillé par Darius et son trésor transporté à Suze.
  2. Philippe Berger, le Code d’Hammourabi.