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COSMOGONIES

s’exerceront peut-être utilement dans l’avenir. Pour le moment, nul ne paraît se demander ce que faisait cette féconde multitude dans ces hautes régions, comment elle y vivait, pourquoi personne n’en a retrouvé de traces et par quels chemins elle y était venue. La question des origines ne peut que reculer à mesure qu’on avance dans la nuit des temps. Je dis où nous en sommes de nos premières enquêtes d’histoire primitive, en essayant de ne point me départir des règles d’une rigoureuse investigation[1].

Les mouvements des alluvions du Tigre et de l’Euphrate aux régions de leurs embouchures, jadis séparées, ne sont pas très différentes des formations du delta égyptien. Mêmes alternatives de luxuriante fécondité et de stérile désolation, même ardeur au travail des colons chanceusement survenus. Les Touraniens vivant dans l’Altaï rencontrèrent des gisements de métaux, cuivre, or, fer, qu’avec le bronze ils exportèrent en Chaldée. Nous déterminons approximativement des points de repère entre lesquels les découvertes modernes, avec l’heureuse trouvaille des tablettes de Ninive, nous permettent des essais de coordinations. Je m’arrête au seuil de cette histoire. D’excellents ouvrages sont là pour la raconter.

À quel moment du paléolithique commencera ce que nous appelons la préhistoire, c’est-à-dire des coordinations de gestes permettant des généralisations, c’est le vaste domaine d’ambitieuses hypothèses. Nous ne savons rien ou presque rien de la préhistoire de l’Inde elle-même. Les musées conservent de précieux vestiges de primitivité, éclipsés par une surabondance des sculptures hellénistiques du Gandhâra, œuvres des colons bactriens d’Alexandre que l’heureux zèle de M. Foucher a subitement fait apparaître à la lumière. Comme toujours, le vrai musée, c’est le pays lui-même, que les passants ne s’arrêtent pas suffisamment a regarder.

L’Inde, avec ses temples, ses palais, ses tombeaux, ses villes, ses villages curieusement caractérisés, sa jungle souveraine, ses fleuves chargés de cataclysmes[2], Bénarès, Fathepour-Sikri, Sarnath, Sanchi, les forts de Dehli, de Gwalior, de Chitogar, le

  1. On est allé jusqu’à alléguer que des déplacements de l’écliptique avaient pu motiver d’importantes migrations par de subites variations de climats. C’est une hypothèse qui n’a plus besoin que d’être vérifiée.
  2. Le Gange a des différences de niveau de dix mètres.