Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
277
CONNAÎTRE

« miracles » des « faux Dieux », tout aussi authentiques que les autres, n’eurent pas moins de croyants et n’en ont pas moins encore en des pays divers, que nos « miracles » judéo-chrétiens d’aujourd’hui.

Nous en sommes, enfin, venus à reconnaître que l’argument demeure entre le rêve, hors des contrôles de l’observation, et la connaissance expérimentale couronnée de l’imagination. Cherchera-t-on objectivement à connaître, ou préfère-t-on deviner, bayer aux nues dans le délire de rêveries embrumées ? C’est la question d’hier, de demain, de toujours. Les oscillations de l’homme, dans le redoutable champ de l’interprétation des choses, ont enfanté les plus atroces tragédies sans refréner jamais l’impétuosité de connaître. Chacun des deux états d’esprit a donné ce qu’il a pu. La lutte n’a pas ralenti son cours. Cependant, comparez aujourd’hui les conquêtes de la connaissance relative avec les régressions de l’absolu. Nous voulons connaître, en effet, et nous consacrons passionnément à cette œuvre le plus beau de nos énergies. Si nous poursuivons la vérité, c’est encore le retentissement, l’éclat du mot, qui attire et retient la majorité des esprits plutôt que les acquisitions du connaître en évolution de positivité. Les foules moutonnières ne se dérangent pas pour un savant, dans son cabinet, qui ne gagne pas toujours le moyen d’y dépenser obscurément sa vie. Mais, s’il lui faut des fêtes pour discourir de lui après sa mort, les banquets ne seront pas marchandés à sa mémoire, où les convives récolteront des promotions d’honneurs. Quant aux vérités issues de son labeur, toujours ouvertes aux contradictions, aux révisions éventuelles, que leur demandera-t-on, sinon de troubler le moins possible le cours des inerties vagissantes, aux égarements desquelles les précédentes générations se sont attardées.

Aussi, dès qu’apparaît quelque menace pour les formules coutumières, ne manque-t-on pas de nous rappeler que notre connaissance est d’affirmations provisoires et que la plus haute science est hors d’état de rien « fixer ». Nous ne l’ignorons pas. Nous savons même qu’il en est ainsi des « vérités éternelles » de la théologie qui diffèrent selon les temps, selon les pays. Le sol est tout jonché de « vérités » déchues. Le système de Ptolémée fut « vérité » jusqu’à Copernic. Qu’est-ce donc qui attend