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LES DIEUX, LES LOIS

en vint à l’identifier avec la terre, génératrice des phénomènes sous le soleil, et, par là, notre législatrice en effet.

Les premiers calculs du mouvement des astres, où nous conviait d’abord la course du soleil, amenèrent la primitive ébauche d’un ordre positif du monde qui s’imposa plus tard par la prévision des rapports. Dès lors s’engagea le grand duel entre l’expérience du fait observé et l’interprétation des volontés divines jusqu’à l’éclat du procès de Galilée. Dans tous les domaines de la connaissance, le champ des observations coordonnées s’étant démesurément accru, nous nous trouvons aujourd’hui en mesure de présenter un bilan d’expériences, devant lequel la « faillite » des interprétations divines est, dès à présent, assurée. L’inachevé de nos formules positives, qui ne sont que des généralisations provisoires toujours ouvertes à des généralisations plus compréhensives, est la plus sûre garantie d’une correspondance nécessaire entre l’évolution des connaissances acquises et l’adaptation mouvante des intelligences qui doit s’ensuivre.

Si les lois sont une explication, je ne me risquerais pas à le soutenir, puisqu’elles ne peuvent aboutir qu’à des constatations de phénomènes successifs, c’est-à-dire à des évolutions de rapports pour lesquels il n’est point de butoirs. Il faudra toujours procéder d’un antécédent à un conséquent, puisque c’est le plus clair de ce que nous pouvons atteindre. Pour l’explication de l’univers, je n’en vois de traces que dans les mystères de la Révélation que l’élémentaire observation réduit à néant.

L’univers est. Il faut que cela suffise pour l’éclair de notre journée. Notre « Loi » triomphante détermine un ordre de ce qui est. C’est, du monde, tout ce que nos relativités nous permettent de saisir. Il se voit assez bien qu’aux yeux de la foule hypnotisée de Révélations, notre Loi positive est ouverte au grief de n’être pas un « miracle » au sens enfantin où nous entendons le mot. D’un point de vue supérieur, il se pourrait bien que ce fût la merveille des merveilles. Un autre sujet de méditations que les tables sacrées de « la loi » remises par Jahveh lui-même, sur l’Horeb, à Moïse, en témoignage de son amour pour un peuple qui, à cette heure même, se répandait en adorations cultuelles aux pieds d’un veau d’or ? Qu’est-ce donc que ces « Tables de la loi », si précieuses que l’Éternel prit la peine d’en apporter, lui-