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AU SOIR DE LA PENSÉE

qu’elle n’attend pas d’autre récompense que la satisfaction du dévouement désintéressé ?

La filiation organique des espèces animales, enfin reconnue, nous permet-elle donc de maintenir l’abîme artificiellement creusé de l’âme à l’instinct par nos théologies ? Quoi de plus naturel que de voir des organes si clairement apparentés produire des résultats correspondants ? Est-ce donc de cela qu’il faut s’étonner ou de l’incroyable labeur que se donnent les humains pour rompre les liens de positivité, si manifestes, de la descendance ?

La véritable noblesse ne serait-elle pas d’accepter le monde comme il est, hors des puériles tentatives pour nous rehausser d’une prétendue majesté qui dénature les phénomènes par des jeux de dénominations ? Le fait d’expérience ne doit-il pas dominer l’obsession du rêve : qui s’obstine à sceller les chaînes réelles de notre vie aux irréalités de notre pseudo-divinisation ? Du plus petit au plus grand, les enchaînements du règne animal jusqu’à l’homme inclus, sont phénomènes d’observation. Et si nos organes s’appareillent dans l’échelle des êtres, en une succession de descendance, ne s’ensuit-il pas la loi inévitable d’un commun fonctionnement ? À observer avec attention les actes de la nature vivante, même la plus modeste, pas un seul où nous ne retrouvions l’indice de sensations, de volontés semblables aux nôtres[1]. Serait-il concevable que les mêmes fonctions des mêmes organes n’aient pas, pour conséquence, les mêmes déclenchements d’énergies ? Mêmes besoins, mêmes réponses des organismes en action. Nos puériles vanités d’isolement théologique n’y pourront rien changer.

La loi de l’homme est donc principalement de se situer dans l’univers par lequel il est circonvenu : d’où l’obligation pour lui de développer ses activités individuelles et sociales selon les rapports naturels de son organisme dans le Cosmos. S’il lui plaît de rompre ses attaches organiques pour s’attribuer une éternité ultra terrestre en contradiction avec tous les éléments reconnus de sa biologie, tous les rapports de l’existence individuelle et sociale s’en trouveront faussés. S’éloigner ou se rapprocher de sa norme, voilà le choix auquel il est condamné.

D’autre part, si le dévouement maternel fait partie de la

  1. Lisez Fabre et Bouvier sur les insectes.