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chap. iii a. — liaison intrinsèque de la guerre.

La seconde idée permet au contraire de rechercher les avantages secondaires pour leur propre valeur et d’abandonner aux circonstances qui se présentent ensuite le soin de décider de ce qu’il convient de faire ultérieurement.

Chacune de ces deux conceptions conduisant à un résultat, la théorie les accepte l’une et l’autre ; mais elle établit entre elles cette distinction que la première est fondamentale et doit présider à toutes les dispositions tandis que la seconde ne constitue qu’une modification que les circonstances peuvent rendre nécessaire et qu’elles doivent justifier.

Ce n’était pas pour renverser son adversaire et s’assurer de solides conquêtes comme dans ses campagnes précédentes, que Frédéric le Grand poussa de Saxe et de Silésie de nouvelles pointes offensives sur les États autrichiens dans les années 1742, 1744, 1757 et 1758. En agissant ainsi il se proposait uniquement de gagner du temps et savait d’ailleurs que, même en cas d’insuccès, il ne s’exposait pas à de grands risques[1].

Pour les Prussiens en 1806 et pour les Autrichiens en 1805 et en 1809, la situation n’était pas la même. Bien

  1. Si Frédéric II eût gagné la bataille de Kollin et fût parvenu à faire capituler la principale armée de l’Autriche avec ses deux généraux en chef à Prague, il eût remporté une si écrasante victoire qu’il eût pu marcher immédiatement sur Vienne et y imposer la paix à l’empire ébranlé. Ce succès, inouï pour l’époque et, en raison de l’extrême disproportion de forces entre les deux adversaires, plus extraordinaire et plus glorieux peut-être encore que ceux dont les dernières guerres nous ont donné des exemples, eût très vraisemblablement été le résultat de cette seule bataille et ne contredirait d’ailleurs en rien notre assertion qui n’a trait qu’à ce que le Roi projetait de faire dans le principe. En effet, bloquer la principale armée ennemie et la faire prisonnière ne pouvait tout d’abord entrer dans le plan d’attaque du Roi qui n’y dut penser que lorsque les Autrichiens eurent si maladroitement pris position à Prague.