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la défensive.

de l’envahisseur, sinon pour changer le rapport des forces, du moins pour égaliser les chances à courir de part et d’autre dans une lutte décisive. Livrer bataille avant ce moment eût été courir à un désastre dont les conséquences eussent été d’autant plus fatales qu’il se serait produit plus près de la frontière. On évita de commettre une faute si grossière.

La formation du camp de Drissa prouve aussi que, pendant cette campagne, la défense n’envisagea pas toujours la situation sous son véritable jour. Si l’on eût persisté dans cette fausse disposition, on eût promptement été enveloppé par les Français, et l’armée russe, coupée et isolée désormais de partout, eût bientôt été réduite à déposer les armes.

Bonaparte lui-même a souvent commis de grandes erreurs dans l’appréciation des intentions de ses adversaires, ainsi que dans le choix de ses dispositions défensives. En 1813, par exemple, après l’armistice, pensant que cela lui réussirait comme maintes fois dans les guerres précédentes, il crut pouvoir paralyser l’action des armées secondaires des Alliés sous Blucher et le prince royal de Suède, en ne leur opposant que des corps qui n’étaient pas en état de remplir cette mission. Il n’avait pas compté, en cela, sur la réaction produite chez Blucher et chez Bulow par une haine invétérée, ainsi que par l’imminence du danger.

Il n’apprécia d’ailleurs jamais à leur juste valeur l’esprit d’entreprise et l’audace du vieux Blucher, qui seul, cependant, l’empêcha de vaincre à Leipzig, le mit à deux doigts de sa perte à Laon, et lui porta, enfin, le coup de grâce, en apparaissant tout à coup sur le champ de bataille de la Belle-Alliance (Waterloo).


fin du deuxième volume.