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la défensive.

sif auquel l’attaque est soumise peuvent encore amener un revirement des forces. Il est toujours trop tôt pour périr, et, de même que celui qui se noie saisit, d’instinct, le plus petit objet à sa portée, il est d’ordre moral naturel qu’un peuple acculé au bord de l’abîme mette en œuvre les moyens les plus extrêmes pour n’y pas tomber.

Quelle que soit la faiblesse d’un État par rapport à son adversaire, cet État ne saurait, sous peine de déchéance morale absolue, se soustraire à des efforts suprêmes. Ajoutons que ces efforts n’excluent nullement la possibilité, en dernière instance, de se sauver d’une perte certaine par une paix onéreuse, et que les nouvelles dispositions prises par la défense, loin de s’opposer à la paix, ne peuvent qu’en faciliter les conditions et en amoindrir la rigueur.

Un gouvernement qui, écrasé, anéanti par la chute de ses espérances à la suite d’une bataille décisive perdue, ne pense qu’à rendre au plus vite les douceurs de la paix à son peuple et ne se sent ni le désir ni l’énergie de tenter un suprême effort en y consacrant les dernières forces de la nation, commet, par faiblesse, une grande inconséquence, et prouve ainsi qu’il n’était pas digne de la victoire ; et celle-ci ne lui fait peut-être précisément défaut que par cette raison.

Ainsi, et quelle que soit la grandeur de sa défaite, avant que de s’avouer vaincu le gouvernement d’une nation énergique doit avoir recours à la retraite de son armée dans l’intérieur du pays, en s’appuyant sur l’action des places fortes et sur celle des populations armées. Il est alors avantageux que les ailes du théâtre de guerre principal soient limitées par des montagnes ou par des contrées très difficiles qui favorisent l’action stratégique de la défense sur les flancs de l’attaque.

En poursuivant sa marche, l’envahisseur est astreint