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la défensive.

persent dans toutes les directions. Il en résulte, pour peu que la contrée soit montagneuse ou boisée ou simplement coupée, lors même que depuis longtemps on n’a plus rien à redouter des troupes régulières de la défense, que la marche des petites subdivisions de l’attaque est sans cesse menacée de dégénérer en combat, les mêmes paysans, déjà dispersés par les têtes des colonnes, pouvant à chaque instant reparaître sur les derrières. S’agit-il, d’autre part, de défoncer les routes et d’obstruer les défilés, les moyens dont disposent les avant-postes et les corps de partisans sont incomparablement inférieurs à ceux que possède une population insurgée. L’envahisseur n’a à opposer à l’action des masses populaires armées que de nombreux détachements auxquels il confie l’escorte de ses convois, la garde de ses stations d’étape et de ravitaillement, ainsi que celle des défilés, ponts, etc., etc. Or, l’insurrection ne pouvant au début produire que des effets très limités, l’attaque, dans la crainte de se trop morceler, ne lui oppose tout d’abord que de faibles détachements. C’est précisément ce manque d’énergie contre leurs premiers efforts qui enflamme l’ardeur des populations et les encourage à courir toutes aux armes. Que quelques détachements de l’attaque succombent, l’énergie de l’insurrection s’en accroît encore, et l’intensité de l’élément va ainsi sans cesse en grandissant jusqu’au moment suprême où la solution se produit.

Ce serait une grande faute de la part de la défense de laisser l’insurrection se concentrer en un seul grand foyer. L’ennemi n’aurait, en effet, qu’à diriger des forces suffisantes sur ce centre de résistance pour l’enfoncer et y faire un grand nombre de prisonniers. Le courage des populations ne résisterait pas à un pareil désastre, elles croiraient le coup décisif porté, tout