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la défensive.

disproportion de forces aussi grande que celle qui existait au début de la campagne entre les deux armées, alors que, indépendamment d’un effectif plus que double, les Français possédaient une supériorité morale incontestable. On peut donc dire que le résultat qui n’a pu se produire, dans la campagne de 1812, qu’après une marche d’invasion de 100 milles (740 kilomètres) se réalisera vraisemblablement, dans la généralité des cas, après une marche de 30 à 50 milles (222 à 370 kilomètres).

Quant aux circonstances qui favorisent l’application de ce procédé défensif, elles sont les suivantes :

1o  Une contrée peu cultivée.

2o  Un peuple patriote et guerrier.

3o  La mauvaise saison.

Ces circonstances, en effet, contrarient et entravent les moyens d’existence de l’armée envahissante, la contraignent à recourir à de longs convois et à de nombreux détachements, rendent le service de ses troupes plus pénible, et amènent des causes de maladies dans ses rangs. Elles favorisent, en outre, les actions de flanc de la défense.

Il faut aussi tenir compte de la masse absolue des forces armées ; elle exerce ici une véritable influence.

Abstraction faite du rapport numérique entre les deux adversaires, il est dans la nature même des choses que l’épuisement se produise plus vite dans une petite armée que dans une grande, et que, par conséquent, la première ne puisse fournir la même carrière ni étendre son action à un cercle aussi vaste que la seconde. Il existe donc, en quelque sorte, un rapport constant entre la grandeur absolue d’une armée et l’espace que cette armée peut occuper. On ne saurait certainement fixer méthodiquement ce rapport, que modifieront d’ailleurs toujours d’autres circonstances, mais il suffit de con-