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la défensive.

tives et populeuses ou des grandes villes commerciales, et surtout des centres manufacturiers ou producteurs des objets nécessaires à l’armée.

Quant à l’impression morale qui peut naître de la marche en avant de l’ennemi, dans l’application de ce procédé défensif, il est des cas où le général en chef doit poursuivre son plan avec énergie sans en tenir compte, et ne pas craindre de s’exposer à tous les inconvénients qui résultent du manque de clairvoyance ou de la pusillanimité des masses. Cette impression, cependant, sans être un facteur moral dont l’action soit immédiate, n’est pas non plus absolument à négliger, car elle pénètre promptement les fibres de la nation, et peut alors en paralyser les muscles, agents effectifs de la force et de la puissance du peuple et de l’armée. Dans les circonstances où l’esprit public se rend compte des motifs qui portent un général en chef à recourir à une retraite volontaire dans le cœur même du pays, la confiance en l’heureuse issue de la lutte va sans cesse en augmentant. Ces cas sont très rares malheureusement, et il faut généralement s’attendre à ce que le peuple et l’armée ne sachent pas discerner si la retraite est volontaire ou forcée, et encore moins si cette manière de procéder est le résultat de la crainte de l’ennemi ou celui d’un plan mûrement et prudemment conçu avec grande probabilité de réussite. Dès lors la nation ne manifestera que du mauvais vouloir pour le général en chef et de la commisération et de la pitié pour les provinces qu’elle considérera comme sacrifiées ; l’armée, de son côté, perdra vite confiance en elle-même et dans le commandement, et les combats incessants que l’arrière-garde aura à livrer pendant la retraite augmenteront encore les appréhensions des troupes. Il ne faut pas se le dissimuler, telle sera, dans la majorité des cas, l’ex-