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chap. xix. — défense des rivières.

par le danger de perdre leur ligne de retraite qui se trouvait limitée à un seul pont.

Au cas où le fleuve traverse le théâtre de guerre en se dirigeant plus ou moins perpendiculairement à la ligne stratégique de la défense, l’avantage est encore du côté de cette dernière qui dispose, dès lors, d’une série de bonnes positions appuyées au fleuve, et peut faire usage des vallées transversales pour le renforcement de son front. Tel est le rôle que l’Elbe joua en faveur des Prussiens dans la guerre de Sept Ans. L’attaquant se trouve alors contraint, soit à n’avancer que sur une seule rive, soit à se partager sur les deux. Or, s’il se décide à ce second parti, il en résulte une augmentation d’avantages pour la défense, qui possède naturellement un plus grand nombre de points de passage que son adversaire. Il suffit de considérer l’ensemble de la guerre de Sept Ans, pour reconnaître que le grand Frédéric a trouvé un puissant appui dans l’Elbe et l’Oder pour défendre la Silésie, la Saxe et les Marches dont il avait fait son théâtre de guerre, tandis que, par contre, ces fleuves opposèrent de grands obstacles aux efforts que firent les Autrichiens et les Russes pour s’emparer de ces provinces. Néanmoins, et pendant toute la durée de la guerre, ces fleuves n’ont jamais servi de base défensive proprement dite, et leur direction s’est bien moins souvent trouvée parallèle que perpendiculaire ou oblique au front des opérations.

C’est seulement au point de vue des transports qu’une armée attaquante peut tirer parti d’un fleuve dont le cours est plus ou moins perpendiculaire à son front stratégique. C’est l’attaquant, en effet, qui, des deux adversaires, a les lignes de communications les plus longues et rencontre le plus de difficultés pour les transports de toute nature. On comprend, par suite, quelle aide un cours d’eau peut lui prêter dans ce sens.