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chap. xviii. — défense des rivières.

tardé à se produire si, pour leur donner un repos qui cependant leur était nécessaire, il les eût cantonnées derrière le Rhin. En effet, sans s’écarter de la plus extrême prudence, les Alliés n’eussent pas manqué de faire passer le fleuve à des essaims de cosaques ainsi qu’à d’autres troupes légères, qu’ils eussent, en cas de réussite, promptement fait suivre de corps constitués. Tout se réunissait donc, ici, pour imposer aux corps français la nécessité de défendre sérieusement le Rhin. Cependant, comme il était à prévoir que cette défense ne pourrait se prolonger dès que les Alliés tenteraient vigoureusement de forcer le passage, l’empereur Napoléon ne fit là qu’une démonstration qui, d’ailleurs, n’exposa l’armée française à aucun danger, parce que son point de concentration était situé sur la haute Moselle. Macdonald se trouvait vers Nimègue avec 20 000 hommes, et commit seul la faute d’attendre qu’il fût réellement repoussé par l’ennemi, ce qui ne se produisit qu’au milieu du mois de janvier, par suite de l’arrivée tardive du corps de Winzingerod, et fut cause qu’il ne put rejoindre l’Empereur avant la bataille de Brienne.

Cette défense simulée du Rhin a suffi pour arrêter les Alliés dans leur marche en avant et les a portés à retarder le passage du fleuve jusqu’à l’arrivée de leurs renforts, c’est-à-dire pendant six semaines. Ce gain de temps dut avoir une immense valeur pour l’empereur Napoléon. Sans cette démonstration habile, la bataille de Leipzig eût conduit directement les Alliés à Paris, et il eût été absolument impossible aux Français de livrer bataille en avant de leur capitale.

On peut aussi avoir recours à une mise en scène de ce genre lorsqu’il s’agit de cours d’eau secondaires, mais on n’en tire généralement que des résultats moins grands, par la raison que, les essais de passage étant plus faciles, le charme est bientôt rompu.